Jour 13 – En mer en solitaire, par Jérôme

Kalimera !

Le départ de Kamares, Sifnos

Journée très particulière aujourd’hui pour notre équipage ! Comme nous l’avions planifié hier après midi, j’ai pris la mer ce matin en solitaire sur notre voilier, tandis qu’Anne-Laure et les 4 mousses prennent le ferry (en fait un catamaran rapide à moteur) de 16.05. Nous nous retrouverons à la marina de notre point de départ, Alimos à Athènes en fin de journée.

Le départ du quai

Nous avions prévu initialement que je parte vers 6h, et finalement, voyant qu’il faisait encore nuit noire à 05.45, nous avons remis le réveil un peu plus tard, et je suis finalement parti vers 07.10. Ce n’est pas tellement que ce soit problématique de naviguer de nuit, même en solitaire, mais la sortie de la baie de Kameres, avec possiblement des bouées de pêcheurs, n’était pas engageante par nuit noire (pas de lune). 

J’ai (enfin le guindeau a) remonté le mouillage sans trop de problème – il m’a quand même fallu sortir le marteau pour débloquer un maillon de la chaîne bloqué dans le davier pivotant (encore une invention dont je ne suis pas sûr de comprendre l’intérêt)… et je suis sorti de la baie au moteur. Beau temps, mer calme et vent très faible : je règle le régime du moteur à environ 1.900 tours/min, ce qui m’amène à une vitesse de croisière de 6.5 noeuds. J’ai environ 65-70milles à faire jusqu’à Alimos, cela devrait me permettre d’y arriver de jour et à peu près en même temps que le reste de la famille (ferry + taxi).

J’établis ensuite les voiles pour gagner un peu de vitesse supplémentaire, et le vent se lève gentiment au fur et à mesure que je me dégage de Sifnos, NNE 10 à 12 nds. 

Je mets le cap au 310 (NW) sur la pointe sud ouest de Serifos, qui est quasiment mon seul obstacte sur la route directe vers Alimos. 

Arrivé à la pointe de Serifos, je loffe légèrement jusqu’au 325 pour faire route sur le continent. J’aperçois rapidement Kythnos et Kea que je laisserai à mon nord à tribord et l’îlot couvert d’éoliennes (on dirait une pépinière d’éoliennes) au sud de Kea, que je laisserai à babord.

La pépinière d’éoliennes

Après cette introduction “journal de bord”, à la faveur de cette journée “seul à bord”, je vous livre quelques réflexions…

Qu’est-ce que ça me fait d’être seul à bord ?

J’ai fait mes premières vraies navigations en solitaire en 2008 quand j’ai commencé à naviguer en Mini 6.50, et ma première régate en solo en Mini a été la Select 6.50 : 200 milles en Bretagne à tourner les îles dans tous les sens de jour et de nuit. J’ai ensuite fait le début d’une qualif qui m’a emmené, toujours en Mini, en partant de Douarnenez, virer une bouée en Irlande et redescendre jusqu’à Concarneau, dans des endroits compliqués même si la météo bonne. Je ne suis donc pas inquiet du tout à l’idée de faire 70 milles en solo sur Penelope, que je commence à avoir bien en main après presque 2 semaines à bord : je sais que le pilote est fiable, et c’est un bon voilier !

Mon état d’esprit aujourd’hui est donc tout à fait serein – même si je ne suis pas un expert de la Méditerranée, la météo a l’air claire depuis plusieurs jours et nous annonce du beau temps, avec un vent tournant progressivement NNE puis NE, et peut être même un peu SE en fin de journée, soit de plus en plus portant, ce qui est toujours bon ! Et en écrivant ces lignes à 14.30, à l’approche du Cap Sounion, ça se confirme. Je suis maintenant franchement au travers, sur le cap, à 6.5-7 nds sous génois entièrement déroulé et grand voile au premier ris, par 12 à 15 nds de vent.

Comment s’occuper ? Est-ce qu’on s’ennuie ?

Honnêtement, en solo, on ne s’ennuie pas, mais il faut passer dans un mode différent, plus contemplatif. Aujourd’hui, j’ai essentiellement : assuré la veille et la navigation, réglé les voiles au fur et à mesure que le vent a tourné, écouté de la musique, passé quelques coups de fils, préparé à manger et mangé… et écrit cet article de blog. Dans d’autres conditions, on peut avoir à barrer de longues heures, à changer les voiles, être hors de portée de téléphone, avoir à bricoler / réparer, et surtout se reposer, quand on doit passer plus d’une dizaine d’heures d’affilée en mer. Si on doit passer une nuit entière en mer en solo, il devient impératif de se reposer / dormir, et ça devient le principal challenge – mais pour aujourd’hui, je sais que ce soir nous serons à la marina, à l’abri, et donc il n’est pas utile que je fasse une sieste – il vaut mieux que je reste vigilant en permanence.

Dommage que je n’aie pas de grille pain, ça aurait été encore meilleur !

Est-ce plus ou moins stressant que d’être à plusieurs ?

En fait, en tant que skipper, particulièrement avec des équipiers qui ne maîtrisent pas la navigation (enfants ou débutants en voile notamment), je ressens toujours une responsabilité entière de la sécurité de l’équipage. Je ressens cette responsabilité à la fois comme une charge, mais aussi comme une source de satisfaction : j’aime emmener un équipage en mer, leur donner l’occasion de ressentir la beauté de l’océan.

Être seul en mer c’est un peu égoïste : le plaisir d’être en mer est décuplé quand il est partagé. Et en mer comme dans d’autres territoires “hostiles”, le plaisir d’y être vient souvent aussi du fait qu’il est associé à une certaine difficulté, un certain inconfort. Après l’ascension d’un col en randonnée (nous en avons fait 2 ou 3 au mois de juillet autour de Samoens), la découverte d’un panorama à couper le souffle fait instantanément oublier la fatigue du chemin.

J’ai besoin de mer ! Mais dois-je “imposer” ça à mes proches ?

A ces questions, je n’ai pas une réponse 100% claire. Mais nous essayons dans notre manière de naviguer de minimiser l’inconfort et la durée des navigations, pour que les aspects positifs (vie de famille, visite de sites exceptionnels et difficiles d’accès par d’autres moyens, baignade et plage) compensent largement. D’après ce que vous pouvez lire dans d’autres articles de ce blog, il semble que cela marche bien. Et la seule grosse nav que nous devions avoir à faire (et qui aurait pu devenir vraiment trop longue pour la patience de nos enfants – et de leurs parents), nous l’avons résolue en la faisant en ferry + solitaire.

Celui là était gros !

Qu’est-ce que ça peut apporter à nos enfants d’être à bord d’un voilier comme le nôtre ?

Je me pose vraiment cette question, parce qu’étant donné qu’ils ne peuvent pas vraiment prendre part aux manoeuvres qui sont trop physiques, et que très souvent, ils ont préféré rester à l’intérieur à jouer/lire plutôt que d’être dehors (notamment parce que c’était souvent trop impressionnant du fait des vagues), ils manquent une partie de ce qui fait pour moi l’attrait de la voile.

A l’inverse, nous essayons de leur faire réaliser les avantages de ce mode de déplacement, qui nous permet – particulièrement en Grèce – d’être au plus près de la communauté des marins, de la culture maritime.

Je garde pour un autre article la discussion sur la question : “quelle est la bonne taille pour un voilier pour apprendre à naviguer à des enfants”

Allez, il faut que je commence à me préparer pour l’arrivée, je vais poster cet article après y avoir ajouté quelques photos !

Le golfe Saronique – le terrain de jeu de notre seconde quinzaine
Le “Medicane” à l’ouest du Péloponèse – on ne sait pas encore s’il va affecter l’est, où nous sommes…

“Better safe than sorry”…

Commentaires

  1. […] pour Jérôme : “Journée 13 en mer en solitaire” […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *