Jour 9 – Partie 2 – Une journée magnifique

Après cette nuit magnifique, nous nous préparons pour une très courte navigation, entre Rhinia et Délos, avec quand même une petite incertitude sur le vent et l’état de la mer au niveau du détroit entre les deux îles, le pilote côtier mettant en garde contre un éventuel renforcement du vent et la mer, en situation de Meltem. Au final, nous mouillons dans moins de 2,5m d’eau, sur un fond de sable et de posidonies, par 20 à 25 noeuds de vent. Nous devrons même nous y reprendre à deux fois, au premier essai l’ancre étant posée sur ces fameuses posidonies (et à chaque fois, j’en profite pour piquer une tête et regarder les fonds avec palmes-masque-tuba). Bref, après s’être levés vers 8h, on est mouillés devant Délos vers 10h…

Rhinia (à gauche) où nous avons passé la nuit, abrités dans la baie de Skinos, et Délos (à droite). Nous avons mouillé au niveau du marqueur gris pendant notre visite de l’île sacrée.

Quelques instants plus tard (NDLR : à six, les instants durent souvent des dizaines de minutes), nous embarquons sur notre annexe, qui montre ses limites : dans 20 noeuds de vent (de face), avec un petit clapot qui contourne le “quai” de débarquement, nous sommes tous bien trempés – mais avec le soleil et le vent nous serons tous secs très vite.

Notre voilier (coque blanche à gauche), au mouillage entre Délos et Rhinia. A droite le quai où nous avons débarqué.

Nous abordons donc Délos bien rincés, et nous lançons dans une visite guidée de l’île – enfin d’une petite partie de l’île !

Joachim fasciné par l’histoire de Délos, devant une échoppe du quartier des commerçants. Remarquons la “margelle” en marbre percée d’un trou qui permet de puiser de l’eau dans la citerne située sous le pavement, qui se remplissait par une canalisation que l’on peut voir dans le mur arrière

L’un des aspects qui m’a le plus fasciné sur cette île, aujourd’hui habitée seulement par le personnel du musée et des archéologues, est qu’elle a compté jusqu’à 30.000 habitants, à son apogée, au IIe et Ier siècle avant JC. 30.000 habitants à nourrir, sur une île de 3.5km2, où rien ne pousse ou presque (même si les déliens avaient mis en place une agriculture intensive en terrasses, d’après Wikipedia). J’ai du mal à imaginer la logistique nécessaire pour faire venir de Tinos (à une dizaine de milles au nord) ou de Paros et Naxos (à une vingtaine de milles au sud), les olives, le blé, le vin, le poisson, la viande, pour nourrir une cité, entre le VIIe et le premier siècle avant notre ère – quand avec notre voilier moderne qui remonte au vent, avec GPS, moteur, guindeau électrique et prévisions météo à dix jours nous ne faisons pas les fiers. Les Grecs étaient (et sont toujours) certainement de très bons navigateurs et très organisés – et Délos était certainement très riche.

Une maison de près de 450m², sur deux niveaux, autour d’un patio non couvert dont la mosaique recueillait les eaux de pluie et remplissait une citerne souterraine capable d’alimenter ses habitants pendant les 4 mois d’été où il ne pleut pas une goutte.

Ce qui a poussé ces peuples grecs à s’installer là, en dépit du bon sens (qui place le plus souvent les cités au coeur d’une vallée fertile et pas sur un rocher inhospitalier…) ? La religion et le commerce qui vient avec !

Dans la mythologie grecque, Délos a accueilli Leto, l’une des nombreuses conquètes de Zeus, pour qu’elle y mette au monde les jumeaux Artémis et Apollon, l’épouse légitime de Zeus lui ayant interdit toute terre pour son accouchement – et Poseidon ayant fait surgir des flots Délos à cette occasion. Les naxiens (de Naxos vous l’aurez compris) y installent les premiers un sanctuaire dédié à Apollon : un temple intégralement en marbre (charpente et toiture comprise) et une statue colossale monolithique de plus de 60 tonnes et neuf mètres de haut également en marbre. Ce sanctuaire était visité par de nombreux pélerins venus de toute la Méditerranée, qui y déposaient des offrandes. Riche de ces offrandes, le sanctuaire jouait un rôle de banque, prêtant aux déliens pour la construction de la cité et pour leur commerce florissant – notamment le commerce des esclaves (principalement capturés lors des conquètes militaires…). Le contrôle du sanctuaire et de ses richesses est passé de main en main à de nombreuses reprises, tour à tour sous le contrôle de Naxos, d’Athènes, de Paros, et enfin des Romains, jusqu’à 88 avant JC, quand au cours d’une guerre entre Rome et Mytridate, roi du Pont (la mer Noire), Mytridate fait piller l’île. En 69 avant JC, des pirates alliés à Mytridate pillent à nouveau Délos, ce dont l’île ne se remettra plus.

Près de 2500 ans après sa construction, la mosaique du patio recueille toujours les eaux de pluie (par une ouverture au fond) dans une citerne souterraine où l’on peut toujours puiser par les deux puits en marbre, dans les coins du patio
Aux places d’honneur du théâtre de Délos, intégralement en marbre de Paros
Dans la rue qui mène au théâtre, entre des murs de granite et de gneiss des maisons du quartier “chic” de Délos

Les maisons que nous avons vues sont le plus souvent équipées de latrines avec un réseau d’égouts qui courent sous les pavements des rues, moderne, non ? Quelle civilisation ! La comparaison de ce luxe avec les conditions de vie dans le reste de l’Europe à cette époque est saisissante !

Nous avons ainsi pu parcourir le quartier du théâtre, avec de riches demeures, et le quartier sacré, avec sa fameuse Terrasse des Lions, qui dominent et protègent le lieu de naissance d’Apollon.

Eloïse devant les lions, avec Clément Aplati
Trouvez la jeune femme la mieux coiffée, au musée archéologique de Délos

Nous avons quitté Délos vers 15h, pour rejoindre Parikia, l’une des principales baies de Paros, à 19 milles, cap au 200 (SSW), toujours avec 20 à 25 noeuds de vent de nord. Sur les premiers milles, Délos et Rhinia nous protègent de la mer, mais à mesure que nous avançons, nous ne sommes plus protégés, et une houle courte de 1m50 à 2m nous fait bien rouler. Un train de trois grosses vagues en particulier !

Pendant ce temps là, Archibald dort dans son siège auto au pied de la descente, et les grands lisent et se lisent des histoires dans la cabine arrière tribord. Anne-Laure et moi restons dans le cockpit à surveiller la navigation, pour une bonne partie sous pilote automatique. Arrivés aux deux tiers du trajet, le vent mollit à moins de 15 noeuds, et nous appuyons avec le moteur pour ne pas trop de se faire rouler dans la houle, et aussi pour éviter d’arriver trop tard – nous ne connaissons pas le port et aimerions ne pas le découvrir de nuit (et surtout pour éviter de découvrir trop tard que le port est plein et que nous devons mouiller dans la baie). Un dauphin vient brièvement nous rappeler à qui la mer appartient vraiment – à moins que ce ne soit Poséidon sous l’apparence d’un dauphin qui vienne nous saluer !

En approche de Parikia
Une petite chapelle au dôme bleu nous accueille à l’entrée de la baie de Parikia

Après avoir jeté l’ancre au nord du quai de la petite marina de Parikia, nous nous amarrons “poupe à quai”, je prends une douche rapide et nous filons dans Parikia pour trouver une taverne très sympathique où nous nous régalons tous de salade concombre/tomate, de brochettes, de pita… Les cris de joie d’Archibald quand il voit les plats arriver à table nous réjouissent !

Sur la vingtaine de voiliers à quai à Parikia, deux voiliers battant pavillon suisse – nous ne sommes pas complètement perdus 😉

Parikia est moins sauvage que Rhinia et la nuit sera moins calme, mais nous sommes tous ravis de cette journée qui s’achève, et nous mettrons à profit la journée de demain pour nous reposer et réparer/faire réparer deux/trois choses à bord, notamment une fuite qui remplit lentement mais sûrement notre voilier d’eau de mer ! A suivre !

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